Le principe
Comme l’exigent les nouvelles modalités du baccalauréat de français prévu par la réforme de 2020, les élèves doivent présenter l’une des œuvres qu’ils ont étudiées au cours de l’année.
Si le format imposé offre une certaine liberté, certains éléments sont tenus de figurer dans cette présentation. Sur cette page, vous trouverez :
- les éléments que vous devez inclure dans votre présentation d’œuvre ;
- trois modèles réalisés par trois élèves différents, dont un entièrement rédigé ;
- mes conseils et l’entretien avec le/la jury.
1 – Les éléments à inclure
Vous ne disposez que de deux à quatre minutes pour présenter votre œuvre. Il faut donc être concis.e, et d’emblée mettre en valeur les éléments clés. Voici l’ordre que je conseille à mes élèves, qui ont, pour la majorité d’entre elles/eux, obtenu d’excellents résultats :
- Une brève explication de votre choix, en incluant, si possible, une anecdote personnelle, qui vous fera sortir des rangs. Par exemple, une de mes élèves – vous le verrez – n’a pas spécialement apprécié les œuvres de Colette, mais a choisi de les présenter car c’est la première fois qu’elle étudie une autrice / une femme auteure. Elle souhaite donc lui rendre hommage. Un autre de mes élèves a opté pour L’Étranger de Camus car il est question, dans ce roman, d’un procès exceptionnel, et qu’il souhaite devenir avocat. Inventez, au besoin 🤫
- Un rappel des informations de base sur l’œuvre : date, mouvement littéraire, contexte historique – si pertinent -, réception par le public, composition (parties, sections, évolution).
- Deux ou trois axes d’étude à choisir librement. Je conseille à mes élèves de parler d’un aspect original, souvent peu exploité, le titre : que signifie-t-il ? En quoi nous éclaire-t-il sur l’œuvre dans sa globalité ? Lorsque l’auteur.e a un style très singulier, il convient également d’en parler – je pense notamment à Colette ou Baudelaire. Choisissez également au moins deux thèmes de l’œuvre à développer (ils peuvent être étudiés distinctement ou être intégrés dans d’autres étapes). Pensez aussi au mouvement littéraire dans lequel l’œuvre s’inscrit, à l’onomastique (étude des noms propres). Vous pouvez également combiner ces différentes pistes.
2 – Trois modèles de présentation d’œuvre : Les Fleurs du Mal (Baudelaire), Micromégas (Voltaire), Les Vrilles de la vigne & Sido (Colette)
Les Fleurs du Mal, Baudelaire, 1857 (première édition)
Cette présentation, relativement conventionnelle, vous servira de bonne base de travail.

1.Le choix de l’œuvre
J’ai choisi de présenter Les Fleurs du Mal car c’est le livre qui m’a le plus surpris et intrigué cette année. Je ne m’attendais pas du tout à tomber sur des poèmes aussi différents de ceux que je connaissais déjà.
J’ai été transporté dans un monde littéraire qui m’a permis de sortir de mes a priori sur la poésie et de découvrir ce langage poétique si propre à Baudelaire, que j’ai beaucoup apprécié. En effet, il a beau utiliser des thèmes déjà explorés, comme la muse, le temps ou la nature, il les renouvelle pour offrir une poésie unique et révolutionnaire. Le projet poétique que propose Baudelaire dans son œuvre par cette quête de beauté à partir de la laideur m’a beaucoup touché.
Je vais maintenant vous présenter l’œuvre selon trois axes : son titre, sa composition et pourquoi elle est révolutionnaire.
2. Le titre et ce qu’il induit
Le titre Les Fleurs du mal est choisi en 1855 après que le poète a envisagé Les Lesbiennes, titre qui avait pour but de provoquer la bourgeoisie, puis Les Limbes, mais qui donnait déjà son titre à un autre recueil.
L’expression Les Fleurs du Mal est une antithèse. Le substantif « Fleurs » peut avoir une connotation positive et renvoyer au féminin, à la beauté. Au contraire, le « Mal » représente le désespoir et la misère infligés au poète, en référence au spleen, qui est un sentiment regroupant angoisse, mélancolie et regrets. Le fait que « Mal » soit au singulier montre que Baudelaire englobe toutes les formes de souffrance, qu’elle soit d’ordre social (ex : la prostituée fatale qui offre le Salut), physique (ex : la charogne) ou métaphysique (ex : révolte contre Dieu pour se tourner vers Satan, réflexions sur le temps qui passe).
L’association de ces deux termes évoque une beauté bizarre, une alchimie capable de transformer le laid en beau, « la boue » en « or ». Baudelaire l’écrit lui-même dans l’ébauche d’un épilogue pour la deuxième édition de son recueil, en 1861 « Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or ». La boue est une souffrance morale et physique, c’est le « Spleen », alors que l’or peut être associé à un « Idéal » ou une certaine perfection que le poète trouve dans la création poétique. Il transforme cette boue en or grâce à son langage poétique et renouvelle ainsi la perception du monde qui nous entoure, devenant un alchimiste.
3. La composition du recueil
L’édition du recueil de 1861 est composée de 126 poèmes répartis dans 6 sections : « Spleen et Idéal » , « Tableaux parisiens », « Le vin », « Fleurs du Mal », « Révolte » et « La Mort ».Ces sections sont de taille variable et globalement de plus en plus courtes, exprimant l’appauvrissement de la voix du poète (quantitativement, non qualitativement). Le recueil est structuré comme un itinéraire de la naissance à la mort, où le début est la naissance et la fin est la mort. Baudelaire vit donc une descente aux enfers, qu’il explique d’ailleurs lui-même dans le premier poème des Fleurs du Mal, intitulé « Au lecteur ».
4. Un thème abordé : la modernité
Le recueil Les Fleurs du Mal est une œuvre moderne par rapport aux productions qui la précèdent. Baudelaire puise sa modernité en proposant de nouvelles formes et règles de prosodie tout en remettant au goût du jour les plus traditionnelles. Par exemple, le sonnet, forme irréprochable et incarnation de l’absolu poétique, se retrouve en octosyllabes, en rimes suivies et avec des images très hermétiques dans « Le vin des amants ». Nombreux sont les enjambements, rejets et contre-rejets qui créent un nouveau rythme.
Baudelaire est aussi moderne car il introduit des thèmes jusque-là jamais abordés, tels que la déchéance de l’esprit dans « Spleen IV », l’homosexualité féminine dans « Lesbos » et « Delphine et Hippolyte », la ville de Paris dans « Rêve parisien », la drogue dans « Le poison », « Sed non satiata » (ce ne sont que des exemples). Certains thèmes, notamment l’érotisme, ont choqué, ce qui a conduit à la censure du recueil en 1857 pour « outrage à la morale publique et aux bonnes mœurs ». Cette censure a obligé Baudelaire à supprimer 6 poèmes contenant des passages jugés grossiers et offensants. Il y a eu alors une nouvelle impression en 1861 avec l’ajout de 32 nouveaux poèmes et d’une nouvelle section intitulée « Tableaux parisiens ». Les 6 textes censurés ont été republiés seulement en 1949 en France suite à une révision des condamnations pour outrages à la morale publique par la voie du livre.
Micromégas, Voltaire, 1752

1. Le choix de l’œuvre
Point de départ : “Comprendre un texte, c’est dès l’abord l’appliquer à soi-même”, Marc-Alain Ouaknin, Lire aux éclats (1989) -> la chute m’a permis de revoir mon rapport au savoir, de comprendre la part d’individualité et d’interprétation personnelle au-delà du savoir académique et rigoureux enfermé dans les livres.
2. Le titre et ce qu’il induit
Rappel des informations principales sur l’œuvre : conte philosophique publié en 1752, mouvement littéraire des Lumières, qui se caractérise par l’accès à à des réflexions et un savoir limité.e.s par les institutions et l’ordre établi.
Micromégas : jeu sur l’onomastique (l’étude des noms propres) et l’oxymore (figure de style qui consiste à accoler deux termes de sens opposé pour établir un contraste) : petit/grand → ce qui est petit ou grand appelle forcément à la notion de relativité :
– physiquement : Micromégas = de taille normale de son point de vue, mais immense de celui des Terriens / philosophes et des Saturniens. Les Saturniens = minuscules du point de vue de Micromégas mais restent très grands de celui des Terriens / philosophes
– mentalement : Micromégas = grand mentalement. Saturniens = au premier abord, du point vue de Micromégas, petits mentalement, mais ils grandissent spirituellement aux yeux de Micromégas fur et à mesure que ce dernier les découvre.
Je vais maintenant développer la notion de taille dans l’œuvre
3. Un thème abordé : la notion de taille
Les humains sont petits dans leur espérance de vie.
Le grand appelle à la grandeur des planètes, à la diversité des pensées.
Brièveté de l’œuvre en tant que telle, mais grandeur de l’enseignement.
Micromégas a aussi étudié du petit, même s’il incarne tout ce qui est grand :
– il s’intéresse au tout petit (insectes + Terriens) ;
– il existe des choses plus grandes que lui, d’un autre point de vue ;
– laisser au lecteur / à la lectrice la liberté de trouver ce qu’il pense être petit chez Micromégas.
4. La mise en perspective avec le mouvement littéraire : le conte au service de l’esprit des Lumières
Intérêt du conte philosophique dans le projet des Lumières : déjouer l’anthropocentrisme (conception du monde qui se centralise sur l’être humain) par le recours au merveilleux, un cadre beaucoup plus grand.
Répondre aux attentes du placere-docere (prononcer [plakéré-dokéré]) : plaire en instruisant.
Les Vrilles de la vigne & Sido, Colette, 1908 & 1930

1. Choix de l’œuvre
Beaucoup d’élèves choisissent de présenter l’œuvre qu’ils ont préférée. Cependant, je n’ai pas fait le choix du goût mais du symbole. J’ai choisi de présenter Sido et Les Vrilles de la Vigne de Colette car cela m’a plu d’étudier en détail une œuvre littéraire écrite par une femme. En effet, depuis mon année de 6ème, c’est littéralement la seule autrice que j’ai rencontrée. Je souhaite donc lui rendre hommage.
Je vais maintenant vous présenter les œuvres selon trois axes : titre, célébrations multiples qui s’entremêlent et style de Colette.
2. Les titres et ce qu’ils induisent
Rappel des informations principales des œuvres : Les Vrilles de la vigne, 1908, recueil de vingt textes-nouvelles poétiques. Sido, 1930 : roman autobiographique qui se concentre sur la mère de Colette, mais aussi sa famille en général.
Pour Sido → prénom de la mère de Colette + diminutif du prénom de Colette (Sidonie-Gabrielle), ambiguïté sur ce titre entre nom de la mère et de la fille. Indique une certaine fusion des deux femmes et un passage de témoin. Œuvre qui parle de l’enfance + le père + la fratrie : titre qui porte le lien familial.
Pour Les Vrilles de la vigne → titre d’un recueil de textes épars sur la nature . Le récit allégorique symbolise Colette. Vrille = mouvement sans retenue ; vigne = vin. Vers l’alcool, l’ivresse. “vrilles” et “vigne” sont paronymes (mots qui se ressemblent à l’oreille). Prose poétique fragmentaire des Vrilles de la vigne à l’image de mouvements fourbes que l’on peut entreprendre quand on est ivre.
3. Un thème abordé : les célébrations multiples
Pour Sido → L’enfance et la nature sont célébrées dans Sido, par exemple, dans le passage où Colette évoque l’aube. Elle symbolise la renaissance, cela permet l’éveil d’une sensibilité. Cela mène à une introspection et un retour dans le passé, lieu des célébrations.
Pour Les Vrilles de la vigne → La nature est célébrée à de nombreuses reprises. Par exemple, je pense aux “ Violettes” : Colette utilise cette fleur qui symbolise la fin de l’hiver pour célébrer la nature. L’odeur et la couleur des violettes permettent à l’autrice de faire resurgir dans le présent ses souvenirs passés, à la manière de la madeleine de Proust . Enfin, cette fleur est aussi évoquée par Sappho comme un symbole pour désigner l’amour lesbien. Elle participe donc à la célébration de l’être aimée. En conclusion, ce passage dévoile une triple célébration : celle de la femme, celle de l’enfance et celle du printemps naissant.
4. Le style de Colette
Chercher les ressemblances et différences entre les deux œuvres.
Ressemblances : vocabulaire très riche et précis (nom précis de fleurs et végétaux, par exemple), lyrisme débridé, poétique, fluidité du rythme.
Différences : récit (Sido) / recueil de textes qu’on peut assimiler à des nouvelles comme à des poèmes en prose, langage métaphorique (Les Vrilles de la vigne)
3 – Conseils et entretien
Conseils pour le choix de l’œuvre à présenter :
- Privilégiez une œuvre de vos lectures complémentaires (qui ne fait partie des quatre du programme national) : votre jury a certainement déjà entendu un nombre incalculable de fois les mêmes rengaines… Jouez la carte de l’originalité, d’autant plus si votre professeur.e vous a fait étudié des ouvrages qui sortent de l’ordinaire ! Si toutefois vous souhaitez présenter une œuvre du programme, évitez La Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne : l’œuvre faisant une dizaine de pages, votre jury risque d’avoir un mauvais a priori, soupçonnant le choix de la facilité.
- Avis à celles et ceux qui ont du mal à lire : si vous choisissez une œuvre courte, soyez certain.e de la maîtriser sur le bout des doigts. Vous serez d’autant plus attendu.e sur des passages précis.
- Si vous optez pour une pièce de théâtre, regardez-en une représentation sur YouTube ; cela se trouve très facilement. N’hésitez pas à faire des liens entre le texte et les choix du metteur / de la metteuse en scène, et à y faire référence lors de l’entretien.
- De même, certains romans ont fait l’objet d’une adaptation cinématographique. Il peut être intéressant de parler des choix du réalisateur / de la réalisatrice. Cela ne doit bien évidemment pas dispenser de lire l’ouvrage !
Conseils pour l’entretien :
- Anticipez les questions que l’on est susceptible de vous poser, et prévoyez une réponse. Ces questions peuvent être liées au mouvement littéraire, au contexte historique, à l’influence que l’œuvre a eue, à l’identification aux personnages, à une mise en perspective actuelle (ce dernier point est notamment valable pour l’argumentation, dont les enseignements ont souvent une portée intemporelle).
- Appuyez vos réponses à l’aide de passages précis de l’œuvre. Vous pouvez réaliser un exemplier qui compile de petits fragments analysés en détail, qui pourront vous servir à illustrer vos réponses.
- Dans votre présentation, tendez des perches au/à la jury : évoquez rapidement des éléments que vous maîtrisez pour qu’il/elle rebondisse dessus. Ainsi, assurez-vous d’être au point sur tout ce dont vous parlez en continu. Ne faites pas un parallèle avec une œuvre que vous ne connaissez que superficiellement.